Des ailes brisées
20021129
  (stream)

"You are gone,
I'm so all alone,
Here's what's left
Of our happy home.
She'll be back,
that's what I say,
as I stare at the ceiling...
'cause I need you babe... I need you.
Oh how I miss you baby"

RJD2 - Here's what's left 
  Ces jours où mon plafond est une prison
L'amitié, ce n'est pas un plafond blanc 
20021126
  Ces jours où l'extérieur est une prison (3)
to Igor, my only bro' 
  Ces jours où l'extérieur est une prison (2)
 
20021125
  Ces jours où l'extérieur est une prison
 
  "J'ai l'esprit occuppé de considérations bien plus sombres : notre condition d'êtres de chair, sensibles à la douleur, doués de conscience et taraudés par la conscience de cette conscience, condamnés à mourir et ne le sachant que trop. Ma vie trouble l'espace qui m'entoure. Je suis un sachet de thé oublié au fond de la tasse : le produit de ma macération ne cesse de devenir plus opaque et plus amer." W. Stegner, La Vie obstinée 
  Envisager le départ. L'intégrer à mon existence. Le désirer et le redouter tout à la fois.
Le désirer pour... (fêtes, fatigue, amis, Paris)
Le redouter pour... (solitude, rupture)
Le désirer pour... (métier, rencontres, simplicité, immersion, rupture)
Le redouter pour... (trop bien me connaître)

Finir par le désirer absolument. 
20021121
  Ce soir, l'aveuglement de mon passé, de l'alcool et d'une douleur larvée a blessé mon ami M. Preuve que les problématiques individuelles du malheur sont contagieuses, que leurs frontières sont poreuses. 
20021120
  Contrairement à la nature, les gens, en petits groupes, tendent à la symétrie, à un certain ordre. Autour de moi, l'organisation est parfaite. Par défaut, les individus se placent en situation miroir. Mieux, ils répètent les schémas qui les entourent.

Métro - lundi 18 novembre - ligne 5 - 19h06 - durée de l'exercice : 7 stations
[ ][x] - [x][ ]

[ ][x] - [x][ ]
[x   ] - [   x]

[x  x] - [x  x]

Cette disposition n'a pas souffert une seule modification, malgré le remplacement de certaines personnes. 
  La vieille femme du premier est morte.
Il y a plus de quinze jours. Les pompiers en ouvrant sa porte, ont libéré une odeur qui s'est inscrite dans les murs de l'immeuble.
Cette odeur âcre et sucrée me poursuit. Je sens la mort partout. L'odeur de la cire, des parfums de synthèse utilisés par la concierge pour masquer la pestilence y sont absolument associés. Dans le RER passe un cadavre, je ne le vois pas mais son odeur est autour de moi, quelqu'un amène avec lui des relents de décomposition. Puis dans la rue. Un autre jour dans un magasin, sous une nappe de musique anonyme, entre les strates de papier-soie et de tissu neuf.

De façon similaire, après un rapport sexuel, l'odeur me hante.
Pas tant celle de la sueur, des hormones particulières de la sudation, mais celle du sexe de l'autre. De façon différente, s'il s'agit d'un homme ou d'une femme.
La proximité d'une peau, d'une odeur corporelle individuelle se confond avec ce parfum persistant. Toutes les personnes qui m'approchent alors sont recouvertes par cette sexualité. Mes amis, mes parents eux-mêmes deviennent suspects.

Plus encore que les senteurs humaines, corporelles : l'odeur piquante et amère de la cocaïne a une durée de persistance très longue. Pendant des semaines, tout morceau de cuir se transformait en source inépuisable de relents chimiques. Mais aussi l'alcool, la cire, l'eau de javel... tout au long de ma vie, je n'ai cessé d'être poursuivi par ce phénomène d'odorat sympathique.

Mais les fragrances humaines s'imposent, requièrent de façon bien plus intensive. Elles déforment la perception du réel, d'un ici et maintenant - ce que la rémanence d'odeurs inanimées est incapable de produire. Elles amènent des réflexes instinctifs, une idée enfouie de territorialité et de danger. Lorsque je sens la mort ou le sexe à mes alentours, je ne perds pas seulement mes repères. Je perds une certaine notion de contrôle, je traque, je me rapproche de l'animalité.  
20021115
  Désirer la solitude et une présence anonyme. Sombrer au fil d'un clavier, se laisser doucement dériver verre après verre. Remplir l'absence de sujet par des mots familiers qui ne véhiculent plus rien, aucun sens, pas de message, pas même de sentiment d'abandon. Repeupler sa vie de silhouettes et de voix, vibrantes d'absence. Se laisser étreindre par l'émotion du vide. Refuser d'affronter la première personne, se dissimuler derrière des infinitifs et prétendre parler au nom de. Accumuler les phrases. Les mains froides, le corps engourdi, le regard refuse de se fixer. Accepter que la source se tarrisse, la regarder longuement et aimer tout autant cette épaisse croute de terre.
Revoir au loin l'image d'un corps solitaire enveloppé d'un long manteau gris, les bras tendus sous la pluie battante, hurlant son désespoir contre les feux lointains d'une voiture qui s'enfuit. Revoir également son visage, les cheveux collés sur le front, les yeux rougis, les larmes mêlées à l'eau du ciel et la mâchoire tremblante, le fil de bave qui s'étend de sa lèvre inférieure au moment où il tombre à genoux, dans les convulsions de ses sanglots. Le revoir, perdu au milieu des landes, entrer pas à pas dans la terre noire du champ, s'enfoncer lourdement dans la boue. Entendre à nouveau le bruit de sa cheville qui casse, happée par la terre détrempée, assister encore à sa chute, lente, à l'harmonie du mouvement décomposé. Se souvenir de l'éclair lointain qui illumine le paysage. Apercevoir son visage, la face dans la boue, maculé d'éclaboussures noirâtres. La poche d'air qui gonfle son manteau. Les gouttes de pluie qui le dégonflent jusqu'à dessiner sa silhouette sur le sol. Son oeil, vide, le regard voilé qui s'éteint dans la souffrance.

[origine]
"Le visage maculé de traces noires, le regard vide, il semble que plus jamais il ne bougera de lui-même. La paume de sa main gauche, tournée vers le ciel, palpite fébrilement ; dans cette vaste mer de terre, dans ce marais sauvage qui se referme sur son corps vide, les ailes brisées rendent le voyage difficile."

Se souvenir de lui comme d'une trace lointaine. L'aimer encore puis l'oublier.
Se réfugier dans les mots des autres. 
20021114
  S'abandonner au silence. Ressentir la chaleur de l'absence d'ondes sonores. Se perdre dans le vide auditif. N'importe où, loin du brouhaha, s'égarer de nuit - coupler l'absence de stimuli accoustiques avec la plénitude d'une semi-obscurité isolée, sans obstacle visuel. Se contenter du silence vivant tout autour, du bruissement, de l'impossibilité de distinguer, de nuancer la multitude d'échos - et oublier les voix, effacer les paroles, nier l'existence de l'altérité.
Être enfin intègre.

Je veux le silence. 
  A nouveau, le néant de l'activité cède la place à l'oubli du quotidien. 
20021112
  Retrouver S. Ne pas parler. Juste se retrouver. Et constater, encore une fois, que l'amitié n'est pas régulée par des préceptes scientifiques : elle n'a pas besoin de preuves. Elle ne se démontre pas. 
20021110
  S. encore et encore. Tendue comme un arc. Je ne peux pas passer mon temps à démontrer mon amitié. Je ne peux pas passer mon temps à défaire la tension. Je ne peux pas passer mon temps à surmonter ses angoisses. Et je ne peux pas passer mon temps à recevoir cette violence passive, cette agressivité sourde, repliée, enfermée, prostrée sur elle-même, entre les oeillères de son malheur individuel. Surtout pas après cette semaine. Pas après ces nuits grises où je me suis laissé submerger par une détresse collective. Où les rares instants de solitude amenaient un flot continu de larmes, comme un trop plein, un débordement.
J'aspire au calme, à la simplicité retrouvée, à la sérénité de la confiance mutuelle. Pas à un combat permanent.

Je veux le silence. 
20021106
  Dans le cadre de l'aide à la publication des jeunes bloggeurs en manque de matière brute, nous avons le plaisir de vous faire parvenir ce formulaire que vous aurez la gentillesse de remplir et de publier une fois complété pour alimenter un site qui, comme nous avons pu le constater, souffre cruellement de mises à jour régulières. Dans l'attente de blablabla, veuillez agréer blablabla.

Dont acte.

1/ Dans Le locataire, Polanski dit quelque chose du genre : « Si on me coupe le pied, je suis moi. Si après on me coupe le bras, je suis encore moi. Mais si on me coupe la tête, le moi, il est où ? ». Que vous inspire cette réflexion ?
Que quand je me coupe un doigt avec un sécateur à poulet, le doigt perdu n'a pas le loisir de se demander s'il vient d'être soustrait au moi. Et que me couper la tête avec un sécateur à poulet, ça demande une sacrée force de caractère. Par ext. que j'écris n'importe quoi, et que je ferais mieux de mettre en pratique ce vieux refrain de mon grand-père : "Si tu n'as rien à dire, ferme ta gueule."

2/ Vous entendez une chanson et vous savez immédiatement qu’elle va vous accompagner très longtemps. A quels signes cela tient-il ?
A sa part de tristesse. Même la plus joyeuse merde qui me suit a au moins un couplet triste, une mélodie mineure, quelques notes qui la font basculer. J'ai toujours préféré le bémol au dièse.

3/ Etes-vous embarrassé par l’un de vos cinq sens ? Si oui, qu’aimeriez-vous lui substituer ?
Depuis que je suis môme, je me demande ce que serait une vie sans aucune notion de toucher. Ne pas distinguer les formes par le contact. Pas seulement des mains, mais de l'ensemble du corps. Ou plus exactement, percevoir le contact, mais ne pas pouvoir différencier le coupant du mou, l'aigu de l'arrondi, voire le chaud du froid. Peut-être lui substituer des vertus psychiques... ou mieux, la polymorphie. Changer d'apparence à volonté, être modelable comme Mala, un caméléon humain. Ce qui par ailleurs aurait une certaine cohérence avec l'absence de sensations tactiles.

4/ La question de vocabulaire rituelle : quel mot, à votre sens, évoque le mieux (par sa sonorité) ce qu’il signifie ? Vous pouvez expliquer pourquoi ? Attention : on met de côté les onomatopées.
Sans équivoque, "Yaourt". Quand je prononce le mot "Yaourt", je me sens immédiatement pénétré du goût bugare. Systématiquement préférer l'orthographe "Yaourt" à "Yoghourt", bien trop galvaudée.

5/ Ne trouvez-vous pas que les sonneries des téléphones fixes varient subtilement en fonction des personnes qui appellent ? Ou du moins, que certaines personnes ne le font pas sonner comme les autres ?
Si seulement c'était le cas, France Télécom n'aurait jamais mis en place la présentation du numéro. Je regrette tellement ne pas avoir ce sixième sens... ça rendrait ma vie infiniment plus simple. Ce que je suis pragmatique comme garçon, c'est d'un ennui...

6/ Vous rappelez-vous l’odeur de votre pupitre en primaire ?
Assez distinctement. On peut aussi embrayer sur la rengaine de la colle Cléopatra, de la polycopieuse à l'alcool à brûler, des gommes de plastique blanc avec Goldorak imprimé dessus qui s'en va au bout de deux semaines et qui gomment que dalle, et même sur l'ignoble eau de javel avec laquelle la gardienne nettoyait le préhaut. Que la personne qui n'a pas ces odeurs imprimées à vie dans les narines me jette le premier parpaing.

7/ Quel instrument de musique a été inventé pour répandre le mal sur la Terre ?
La cornemuse. On rappelera pour mémoire qu'il ne s'agit pas d'un instrument de musique, mais d'une arme de guerre inventée pour effrayer l'ennemi dissimulé dans les brumes des Highlands. Et pour avoir séjourné en Ecosse, je peux vous assurer qu'un coup de cornemuse chafouin, à la tombée du lit, ça vous file une pétoche dont vous ne vous remettez pas facilement... qui plus est si des colocataires séditieux vous ont forcé à ingurgiter du Haggis la veille au soir. (Haggis = Panse de brebis farcie, NdT)

8/ Certaines personnes ne supportent pas le crissement d’une craie sur un tableau, je deviens fou dès lors que j’imagine une serviette éponge rentrer en contact avec mes dents. Vous, c’est quoi ?
Perso, il y a deux bruits qui décollent à coup sûr l'intégralité de mes plombages : une fourchette qui grince sur une assiette en mauvaise faïence, et le petit bruit vicieux qu'émet une personne aux ongles longs en se les curant de l'intérieur. Et puis AC/DC aussi.

9/ Question qui ne s’adresse pas, et je le regrette, aux plus jeunes (et que je dédie à Antanagor). Avez-vous été profondément perturbé par l’existence de DEUX Danse des canards (l’une officielle, l’autre pas), et de DEUX versions de Life is Life ?
Mon souvenir de deux danses des canards est très très lointain. Et pour Life is life, je suis tout bonnement sec. En revanche, je me souvenais distinctement des paroles de "Together we're strong", délicieusement interprété par Mireille Mathieu et Patrick Duffy. Je serais donc ravi de discuter par mail avec quelqu'un qui pourrait m'éclairer sur la mémoire sélective. Merci d'avance.

10/ Attention, question tordue. Quand le titre d’un film américain est prononcé dans le film même, et que l’on regarde le film en version doublée, n’avez-vous pas une impression curieuse ? Exemple : Michael Ironside qui déclare dans Total Recall « Il pourrait rentrer en état de souvenir total ! ». (Jeu de mots bonus : Total Darry Cowl).
Jeu de mots exécrable, soit dit en passant. En fait, ça vient de m'arriver au cinéma, avec la bande annonce du nouveau James Bond. Il faut dire que les titres des James Bond traduits sont toujours assez grotesque ("Demain ne meurt jamais", nan mais franchement...). Et puis tout aussi récemment, ça aurait pu m'arriver avec Minority Report et le "rapport minoritaire", mais je l'ai pas vu en VF. Mais je souscris à l'impression curieuse. Un remède : ne pas avoir la télé et aller voir les films en VO, ça mange pas de pain.

Merci docteur, merci M., je vais retourner bouffer du cyanure. 
  Café en poudre. Ou thé. Ou même soupe de légume. En poudre.
Des gamins, partout, juste là, à la sortie du périphérique. Des gamins d'une vingtaine d'années dans l'ensemble. Quelques-uns ont une apparence de femme, mais pour la plupart, ils ont juste des têtes de gosse. Du genre à faire le con bourré en mob, ou à ouvrir sa grande gueule à l'entrée d'une boite pour épater ses copains.
Et puis il y a les Roumains, en bande, qui sèment la terreur. A treize ans à peine, choper des pleines poignées de capotes dès que les bénévoles font semblant de tourner le dos. Un grand frère les accompagne parfois, mais il n'ose pas demander de café. Peut-être qu'il ne parle pas du tout français, le grand frère. Mais il récupère les capotes volées, pas toutes, et le gel. Et le café, surtout.
Et puis il y a ceux qui à vingt ans à peine ont l'air d'en avoir quarante. Ceux qui viennent de passer trois nuits dans le bois, sans vraiment manger. Et qui tiennent debout quand même, la comissure des lèvres blanche, et les yeux mi-clos. P. me dit cette phrase, à propos de ceux-là : "Plus leur état physique se dégrade, et moins ils ont de clients, c'est un cercle vicieux."
Au loin de temps en temps, il y a un girophare silencieux, qui prévient. Certains gosses ne mettent plus de jupes, parce qu'on les a prévenu que sinon, ils allaient se faire embarquer plus souvent. Alors ils ressortent les pantalons de leur armoire. Mais le corps a changé, et le pantalon n'a plus la même tête qu'avant, sur le nouveau corps.
La nouvelle règle : se débarrasser des capotes, si les flics arrivent. Sans capote, ils ne peuvent pas savoir. Du coup, ils osent moins en prendre. Elles restent plus longtemps dans le panier.
Autour des gobelets d'eau chaude, pendant quelques minutes, ils discutent un peu entre eux. Parfois même ils rigolent un peu, entre deux coups d'oeil aux voitures qui passent, au boulot qui file sous leurs yeux. Et puis très vite, le retour au silence des ombres du bois et de la lumière poussiéreuse des phares.

Je redescends les marches du métro. Porte Dauphine. Une station. Victor Hugo, et l'univers entier a changé. Des lumières blafardes, de la semi-obscurité à la lumière jaune, franche et rassurante. Pire encore que les ténèbres, la vie prisonnière de l'éclat d'un phare. 
20021104
  Déposer un texte, comme un signal :

J'ai croisé cette jeune fille à l'angle d'un building scuplté directement dans la ville. Elle reposait sa tête sur la plus haute marche, et ses paupières fines laissaient doucement filtrer la lumière des lampadaires qui venaient de s'allumer. Lorsque la pluie s'est mise à tomber sur sa joue, j'ai vu ses yeux immobiles, indifférents. J'y ai déposé un baiser tiède et du bout de mes doigts, je les ai fermés. 
20021102
  M. écrit : "Je retrouve Alex, je retrouve Alex et sa langue chaude et sinueuse. Je retrouve Nicolaï, je retrouve Nicolaï et son affection, ses baisers tendres presque amicaux. Je retrouve Emmanuel, je retrouve Emmanuel et ses longs cils qui battent les miens…voilà mes raisons de vivre, des légèretés incarnées." 
La vie privée divulguée, l'obscénité de la représentation

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