ChroniK
décembre 2, 2002

En chasse !


Martin D sirote son demi à la terrasse d'un café. Beaucoup de monde en cet après-midi dans les rues. La foule bigarée en perpétuel mouvement monopolise son attention et détourne son esprit du fiasco de ce matin. Le brouhaha de la rue se mue en un ronronnement hypnotique et sa Fortuna finit de se consumer, abandonnée au bord du cendrier. Heureusement il fait beau, presque chaud, l'atmosphère est printanière. Quelque chose dans l'air le rassure. Il ferme les yeux et inspire une profonde bouffée d'air pollué en souriant. Il était temps de reprendre cette journée en main. Mais d'abord, des clopes.
La queue interminable au tabac l'amuse plus qu'elle ne l'irrite : il détaille la clientèle d'un air narquois. Le buraliste quant à lui est une espèce de bonhomme de Folon, petit et très large, presque carré, à l'air tristement absent, qui lui tend ses cigarettes comme il lui tendrait un faire-part.
Cartouche en main il sort du bar d'un pas décidé, prêt à entamer cette fin d'après-midi sur un mode un peu plus positif. Il hèle un taxi : direction Montreuil et le Squat des branleurs. Le taxi est un petit Indien avec une petite moustache, qui ressemble étonnement à Charlot. Il roule très docilement dans les rues encombrées de Paris, se mouvant sans heurt entre les files agitées.
C'est en ouvrant la fenêtre pour évacuer la fumée de son tabac que Martin la voit : la voiture du porc. Avec le porc à l'intérieur ...
- Suivez cette voiture !


octobre 15, 2002
La lumière très blanche du jour qui transperçait les rideaux donnait aux craquelures des aspects d'abysses, déchirant la vaste surface plane de minuscules dents noires acérées. Lentement, il remonta la fissure principale, depuis l'angle droit face à lui sur une vingtaine de centimètres, boulevard Sébastopol, il marchait trop vite pour rattraper son retard, son sac battant dans son dos, alourdi par le poids de son appareil photo et des ses trois objectifs. Le rendez-vous était sûr, le piston en or, s'il réussissait à tirer quelques bonnes plaques, c'était six mois peinards minimum. Le long de la brêche apparaissait une naissance, une sorte d'ébauche de dissidence qui s'amplifiait très lentement avant de prendre franchement son indépendance. Pour très peu de temps, à peine quelques dizaines de millimètres. La rue Notre Dame de Nazareth, soudain, à sa gauche une énorme berline arrachée à la gueule d'un parking, dans un crissement de pneus assourdissant. A peine le temps de faire quelques pas en arrière, la voiture pilla à un cheveu de ses tibias. Trop vite, le réflexe. Il amorça un coup de poing sur le capot, au moment où le chauffeur, dont il distinguait à peine les traits à travers un pare-brise fumé, alluma les phares. Plein phares, plein après-midi. Confus, il recula de quelques mètres, intimidé par les grondements nerveux du moteur. Retour en arrière, le long du bras principal. La fissure continuait son chemin, affaiblie par son premier affluent, avant de s'éteindre tout à fait au tiers de la largeur de la pièce. La voiture s'avança prudemment sur le bateau, comme hésitant à s'insérer dans la circulation. Furieux, Martin D. reprit son pas de course, en la contournant par l'arrière. Le ciel s'était très largement couvert, il était sur le point de crever. A quelques minutes près, un épais rideau de pluie allait voiler les photos sur lesquelles il jouait une demie année de salaire. Une forte tentation le reprit de défoncer le coffre de cette putain de caisse qui lui avait filé une trouille bleue. Seconde craquelure. A peine quelques centimètres plus loin, le long de la bibliothèque. Elle était beaucoup plus sinueuse que la grosse fissure, trop lourde. Elle serpentait, se rendait parfois presque invisible pour reprendre, plus marquée, à angle presque obtus. Il n'arrivait pas à la suivre dans son intégralité, elle disparaissait, il ne savait plus s'il s'agissait encore de la même où s'il avait découvert un nouveau filon. Il venait de doubler l'arrière de la berline lorsque la première goutte tomba sur le toit lustré, d'un gris métallique impeccable. Une première goutte, épaisse, puis une série de trois petites, disséminées un peu plus loin, typiques des pluies orageuses. Le chauffeur ne se décidait manifestement pas à s'engager sur le boulevard. Encore quelques pas, moins de dix minutes avant le rendez-vous. Un nouveau rugissement du moteur. Martin D. jeta un coup d'oeil excédé en arrière. La pluie commençait à tomber dru. La fenêtre passager était ouverte. Le visage d'un petit homme chauve apparut, laiteux, gras et grimaçant. Une paire de lunettes cerclées d'une épaisseur grotesque déformait son regard, comme autant de cercles qui plissent la surface d'un lac sous les impacts d'un ricochet. Il portait, il se le rappelait disctinctement maintenant, une chemise blanche de smoking, ornée d'un noeud papillon rougeâtre, sous une sorte d'imperméable noir vaguement luisant et un gallurin mou d'une couleur indéfinie qui ne dissimulait en rien une calvitie intégrale. Il n'arrivait plus du tout à suivre une quelconque ligne sur le plafond, il cherchait à la manière d'un puzzle à reconstituer exactement la photographie de cet homme d'une laideur exceptionnelle. Des lèvres à peine perceptibles, si fines qu'elles semblaient couler à l'intérieur de sa bouche sans sourire. Un menton trop marqué, pointé d'une profonde fossette presque artificielle, et cette goutte de sueur, qui n'en finissait plus de glisser depuis le bord intérieur de son chapeau. Une main gantée de noir s'éleva du bas de la vitre, crispée autour d'un cube de carton coloré. L'homme fixait Martin D., sans expression, il ne détachait pas son regard de lui. Sa tête légèrement penchée vers la gauche était parfaitement immobile, pas un seul trait de ce visage n'avait changé durant toutes ces secondes. Puis le flash. La vitre remonta rapidement en même temps que la voiture s'engouffrait en direction de la Gare du Nord, à une vitesse inconsidérée. Le porc avait pris une photo avec son appareil jetable. Martin D. resta planté, statufié sous la pluie qui commençait à lui couler sur le front. Il allait rater le cliché de sa carrière, et il venait de se faire photographier dans la rue par un inconnu au visage de porc. Ce souvenir le rendait cinglé.


octobre 6, 2002
Il gît sur le bitume, inconscient, froid, tremblant. Il gît sur le bitume dans une mare de sang. Sa face diforme épouse les aspérités du goudron. Un filet de bave s'échape du coin de sa bouche, suit un tracé chaotique au creux de sa barbe naissante puis s'étire jusqu'au sol.
Il est assis à l'arrière d'un fourgon de police, stupide, ahuri, taché de sang.
"Il avait un casque.
- Ils lui ont fracassé la tête contre la barre, là.
- Ah ? Qu'est-ce que ...
- C'est les morceaux de la mâchoire.
- Hein ?!"
Martin D. se baisse et ramasse quelques morceaux infâmes et sanguinolents de ce qui semble effectivement être une rangée de dents. C'est tout chaud, presque fumant.
"C'est vrai, on dirait des dents ! Mais comment il fait pour parler ? Ils lui ont tout pété ou quoi ?
- Si tu regardes il a une gueule bizarre, non ? Tu l'as entendu parler, toi ?"
Il est assis dans le camion. Les portes arrière sont grand ouvertes. Il a l'air hagard. Ne parle pas. Les yeux perdus, affolés. Sa mâchoire, ou plutôt son menton, tout le bas de son visage, semble pendre mollement.
Un suspect passe dans la rue en maugréant quelques sombres et vagues menaces à son intention, comme une incantation : "Tu restereras muet ou sinon ..."

Martin D. s'éveilla moite et tremblant, le souffle court, exténué, comme chaque nuit après son cauchemar. Il se servit un verre d'eau et l'engloutit avec amertume : il ne progressait pas dans la maîtrise de son sommeil. Toujours ce rêve affreux qui le harcelait, changeait parfois de protagonistes, de décors, trouvait des variantes parfois inattendues, toujours sanglantes, et le laissait hébété, écœuré, à trois heures du matin, chaque nuit, depuis trois ans.
Il se rallongea, résigné, et s'employa à dénombrer les fissures qui ornaient le plafond de sa chambre.
L'homme de cet après-midi était le centre de ses préoccupations.


septembre 24, 2002
Il cramponne sa main aux fils de fers rouillés qui ondulent dans un écho infini tout le long de l'immense terre-plain, une éternité. La grille plie sous son poids, il sent les aspérités, les tiges coupantes qui entaillent dans sa paume les larges croûtes de sang et de terre. La châleur assomante, la fatigue, cette immense fatigue qui l'étreint, ses jambes flagellent et il tombe à la renverse dans la cacophonie de bruits métalliques comme autant de cordes sur le même accord assourdissant, par vagues dans sa tête qui heurte une barre d'acier. Silence. La lumière aveuglante à travers ses yeux fermés. Le soleil écrase tout, pas un bruit. Il n'entend que son crâne qui martelle si fort ses tempes brûlantes, son coeur bat jusque sous ses paupières, il préfererait mourir ici tout de suite, s'abandonner quelque part dans ce site industriel désaffecté au milieu de nulle part et crever comme un cancrelat, replié sur lui-même dans un coin humide et frais. Silence. Il entrouvre les yeux, s'accroche aux maillons de fer pour se redresser - réflexe - au loin, deux silhouettes sont assises sur une borne de béton, il ne les entend pas parler mais il distingue des mouvements, de la fumée très blanche, il distingue les tâches blanches de leur visage qui se tournent vers lui, lentement, par intermittence. Ils ne bougent pas ; il essaye de se tenir debout, d'oublier la lourdeur de son corps et de ses jambes comme deux poteaux, deux monolithes. Ils restent là-bas tout ce temps, la fumée d'un côté puis de l'autre comme un signal, ils restent là-bas mais ne viennent pas vers lui. Il esquisse un mouvement du bras gauche, puis, plus tard, un appel, un cri. Mais le soleil, la châleur écrasent tout : ses gestes, sa voix, son corps vers le sol. Son crâne chauffe, il est complètement sec maintenant. Puis les deux silhouettes se lèvent - l'une se lève, l'autre était déjà debout - et s'en vont. Il les guette, ils marchent puis disparaissent sous un pont. Silence. Il veut essayer de les suivre - instinct de survie de merde - il prend appui sur le grillage et dans un effort pénible se propulse vers l'avant. Sa jambe gauche, particulièrement douloureuse, le traîne vers l'arrière. Sa tête lourde vacille, pendant quelques secondes il ne sait plus bien s'il est encore debout où s'il est retombé au sol ou s'il est mort. Ce qui reste de son corps - des terminaisons nerveuses irritées qui envoient à son cerveau des signaux d'alarme de façon continue - suffit à lui rappeler qu'il n'a pas encore cané. Mais il est bien droit, il n'a pas rechuté, et comme un zombi, il avance, la bouche ouverte, au radar.
La distance entre lui et le pont semble augmenter à chaque pas. Quelque chose mouille sa chemise qui poisse sur son ventre à nouveau. Tout à fait en bas de son champ de vision, dans le tunnel flou qui le relie au pont si lointain, une tâche noire, brillante qui s'étend assez vite sur le bas de son ventre. Son avant bras se replie, contact de la main, retour visuel rouge sombre et tiède, il pisse le sang quelque chose une blessure a dû se rouvrir. Curieusement il ne sent plus rien. Pas de douleur la peur de la mort certainement. Un bourdonnement dans ses oreilles de plus en plus fort, ses jambes cotonneuses à nouveau puis le bourdonnement le vrombissement qui se décuple et il flanche le paysage bascule autour de lui, tout s'incline dans un angle croissant sur la droite, le sol qui se rapproche très doucement vers l'avant, un bras part tout seul cherche un appui quelque chose à accrocher le pont au loin et la voiture noire qui apparait toute petite dans l'ombre puis un peu moins avec tous les insectes dans les oreilles qui bourdonnent. Le contact du sol - d'abord le genou, un cri de douleur il s'entend comme étouffé - puis une partie du bras et le flanc complètement, il pose la main sur son ventre qui saigne et la calandre très proche de son visage qui s'arrête, tout à fait à droite une portière un peu plus loin s'ouvre une chaussure en dessous puis deux. C'est une femme. Silence.


septembre 23, 2002
Il réprime un frisson puis rassemble ses forces et se redresse dans un souffle. Personne. Une vaste étendue carrelée, de grandes baies vitrées aveuglées de plastique noir : une sorte de hangar aseptisé. Après quelques minutes de torpeur nauséeuse il parvient à se tenir debout et sous le martèlement lancinant du tambour de brousse enfoui dans son crâne, il progresse en titubant jusqu'à ce qui semble être une issue, dans un coin du bâtiment.
Un grand terrain bétonné et crevassé par la chaleur ou les intempéries cercle l'édifice. Quelques herbes jaunies s'échappent de la pierre. La carcasse d'un véhicule se désagrège insensiblement au soleil. Station-service à l'abandon ? Pestant contre sa mémoire infidèle, jurant contre le grillage qui l'écorche un peu plus, au prix de quelques acrobaties il se retrouve donc dans une rue de banlieue, une rue vide, vide, vide. Plus personne ne semble habiter là et s'il ferme les yeux le silence qui s'abat sur lui ne le rassure pas vraiment. La cité semble désertée.


septembre 22, 2002
La barre de néons blancs lui vrille le crâne. Sa joue tuméfiée, plaquée contre le sol, recommence à distiller une douleur sourde jusque derrière les sinus. Contact froid du tissu de sa chemise collée contre sa peau, humide ; ses muscles engourdis se déploient lentement, par accoups. La bouche s'ouvre, les mâchoires se décrispent - la douleur à nouveau, comme un choc dans tout son corps - puis peu à peu des formes, une masse noire près de son visage (une main) la forme des doigts puis des reflets bruns, ses articulations couvertes d'une croute sombre. Il soulève la tête de quelques centimètres. Ses cheveux ruissellent, une eau terreuse coule le long de ses tempes sur son oeil droit gonflé, à demi fermé, jusqu'à sa lèvre inférieure anesthésiée, pendante. Il baigne dans une large flaque, plus sombre par endroits ; il est couvert de tâches de boue ; la jambe gauche de son pantalon est déchirée.


septembre 20, 2002
Il reprend connaissance dans une pièce blanche et vide.




Soient 2 entités distinctes mais identique : H1 et H2
Soient 2 entités distinctes, mère et fille : VF et Marie
Soit 1 entité d’unification entre les 2 univers : HC (Homme chauve)

H1 semble avoir un rendez-vous très important, il doit voir la VF et en arrivant à l'hôtel, il se fait passer à tabac et en s'échappant, il se fait cartonner par une voiture.

Et H2 se réveille ;il ne vit apparemment que de nuit sans qu'on sache bien ce qu'il fait, et il trouve dans son appart un mot de Marie qui le remercie pour la nuit qu'ils viennent de passer ensemble, mais elle doit partir très vite, et elle lui laisse un rendez-vous.

Le problème, c que lui ne se souvient de rien, ni d'elle, ni d'avoir passé la nuit avec une fille, ni rien.
H1 est celui qui se fait tabasser. H2 est celui qui part à la recherche de Marie.

H1 doit signer avec la vieille femme (VF) un contrat visant à éliminer Marie - détailler trafic de drogue et proxénétisme par ex. H1 ne connaît pas Marie et ne l’a vu qu’en photo. VF tabasse H1 parce qu’après avoir tué sa fille, il ne peut continuer à vivre - qui plus est en ayant pris connaissance du commerce.

H1 est tabassé pour ce que va accomplir H2 dans le futur = dans le passé. H2 part à la recherche de Marie, suivi par HC qui est envoyé par VF que H2 ne connaît pas pour mettre le discrédit sur lui en tuant derrière lui de telle sorte qu’il soit inculpé pour des crimes dont il n’est pas coupable = moyen de coercition.

En cherchant des traces de Marie, qui est morte depuis longtemps, il remonte la piste jusqu’à H1 - mourant à l’hôpital = Jour J ou H1 et H2 face à face => le meurtre de Marie s’effectue, dans le passé, en Flash Back.

On peut même pousser jusqu’à dire que VF fait accuser H1 des crimes d’HC, cherchant à inculper H2 dans le futur, d’où le passage à tabac du CH1.

Détailler les rapports de VF et de Marie. Pourquoi VF ch à faire tuer Marie ? VF = Mère de Marie.

Voir également pour un compte à rebours du fil narratif de H1 à l’inverse d’un écoulement normal du fil de H2.